“ Notre vie présente est dominée par la déesse Raison, qui est notre illusion la plus grande et la plus tragique.
C’est grâce à elle que nous avons « vaincu la nature ».
À mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé.
L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair de son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus l’esprit de vie d’un homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques.
Il n’y a plus de dieux que nous puissions invoquer pour nous aider. Les grandes religions du monde souffrent d’une anémie croissante, parce que les divinités secourables ont déserté les bois, les rivières, les montagnes, les animaux, et que les hommes-dieux se sont terrés dans notre inconscient.
Comme tout changement doit commencer quelque part, c’est l’individu isolé qui en aura l’intuition et le réalisera. Ce changement ne peut germer que dans l’individu, et ce peut être dans n’importe lequel d’entre nous. Personne ne peut se permettre d’attendre, en regardant autour de soi, que quelqu’un d’autre vienne accomplir ce qu’il ne veut pas faire. Malheureusement, il semble qu’aucun de nous ne sache quoi faire ; peut-être vaudrait-il la peine que chacun s’interroge, en se demandant si son inconscient ne saurait pas quelque chose qui pourrait nous être utile à tous.
La conscience semble assurément incapable de nous venir en aide. L’homme, aujourd’hui, se rend douloureusement compte que ni ses grandes religions, ni ses diverses philosophies, ne paraissent lui fournir ces idées fortes et dynamiques qui lui rendraient l’assurance nécessaire pour faire face à l’état actuel du monde.
Nous considérons toujours encore qu’il est naturel que les hommes se querellent, et luttent pour affirmer chacun sa supériorité sur l’autre. Comment peut-on parler de « victoire sur la nature » ?
Malgré l’orgueilleuse prétention que nous avons de dominer la nature, nous sommes encore ses victimes parce que nous n’avons pas encore appris à nous dominer nous-mêmes.
Lentement, mais sûrement, nous approchons du désastre. "
Carl Gustav Jung in « l’Homme et ses Symboles »
Pages 95 et 101
Nous ne pouvons vaincre la nature qui nous dépasse par sa grandeur et sa beauté, mais aussi par ses déchainements soudains, inattendus et dévastateurs.
L’humanité fait partie intégrante de la nature et est comme elle grandeur et fragilité.
Philosophe
Analyste jungienne
Philosophe, écrivain et poète
Illustratrice, peintre et auteur de littérature jeunesse
Docteur en psychologie, psychanalyste
Professeur de littérature allemande à l’Université de bourgogne-Franche Comté à Dijon
Cinéaste, photographe et écrivain
Peintre et sculpteur
Manager, éditeur jungien et philosophe de l’image